Crash Air Moorea : “Il n’y a toujours pas de certitudes, il n’y a que des hypothèses”

Le procès en appel du crash Air Moorea s’est terminé hier après plus de deux semaines d’audience. La cour rendra sa décision le 23 janvier.

Le rideau s’est fermé hier sur le procès en appel de l’affaire du crash d’Air Moorea, le 9 août 2007. La dernière journée a été uniquement consacrée aux plaidoiries des avocats de la défense déjà entamée la veille. Comme tous ses confrères, c’est d’abord par un message de compassion pour les victimes et pour insister sur le fait que les prévenus n’étaient pas insensibles à la tristesse de leurs familles que Me Ndiaye, l’avocat d’Andriamanonjisoa Ratzymbasafy, a entamé son propos.

“Il y a des précautions à prendre dans ce type d’affaire de sécurité aéronautique. Pour les prévenus, il y a la tentation de croire qu’ils sont les seuls sachants, les spécialistes, et que personne n’est légitime pour les juger. Ce serait une erreur. En face, on pense avoir le monopole de la vertu, à être les seuls à se préoccuper de la sécurité, alors que les prévenus ne pensent qu’à l’argent et sont sans coeur. Réfléchir ainsi serait tomber dans une impasse. La vérité réconcilie. L’idéal serait d’allier la vérité technique, l’attente humaine et la vérité judiciaire. Je ne suis pas sûr que là notre système judiciaire puisse le permettre”, a expliqué l’avocat, semblant vouloir à la fois désamorcer les ressentiments de familles des victimes et appeler la justice à faire preuve d’impartialité. “Je ne suis pas là pour plaider l’impunité en matière aéronautique, mais l’application rigoureuse du droit pénal, à commencer par l’instruction, où on a fait croire aux victimes qu’il y avait forcément un coupable.”

Pour l’avocat parisien, le tribunal “a failli” dans son jugement en première instance et il a noté “plusieurs raccourcis des juges qui ont fait état de causes certaines ayant abouti à des peines extrêmement sévères jamais vu en France pour des affaires aériennes. S’il y a une certitude du lien de causalité, cela voudrait dire qu’il n’y a pas de doute, et ici on en est bien loin.”

Pour l’avocat, les juges se sont également trompés en estimant que tous les experts étaient d’accord sur la rupture du câble comme cause du crash. “Il n’y a pas de concordance, mais une opposition assez nette.”

Noeud des plaidoiries et du réquisitoire, la question des experts ou des témoins cités par la défense a occupé une bonne partie des débats pour décrier celui du camp adverse ou valoriser celui du sien.

L’expert cité par l’avocat général fait ainsi l’objet des critiques. “Il est omniscient, il est spécialiste en réglementation, en maintenance, en métallurgie et en médecine depuis ce procès en appel”, s’indigne le conseil. Ce dernier regrette également que “la cause médicale a été écartée d’un revers de la main car il n’y avait pas de certitude. Nous aimerions la même logique pour la rupture du câble.” Aussi, l’avocat résume : “Il n’y a toujours pas de certitudes, il n’y a que des hypothèses. La loi pénale ne saurait se satisfaire de cela.”

Pour Me Bryden, elle aussi avocate d’Andriamanonjisoa Ratzymbasafy, “le doute n’est pas compatible avec une décision de justice”. “Il est même prévu : il doit profiter au prévenu.” Selon l’avocate, “à la recherche de la vérité, on a substitué la recherche de culpabilité”.

C’est Me Quinquis, avocat de Freddy Chanseau et de la compagnie, qui a clos de manière succincte les plaidoiries. L’avocat a notamment rappelé que “l’homme qui connait le plus le dossier, le juge d’instruction, a répété, dans son ordonnance de renvoi, ‘à supposer que le câble ait rompu en vol’”. “Il est même allé plus loin en faisant l’examen de ce qui était certain dans ce dossier. La rupture du câble n’y figure pas. Le juge d’instruction aurait dû prononcer un non-lieu général, mais il fallait un procès. Il a dû renvoyer vers un juge de fond.”

Souvent mis à mal par la partie civile, l’avocat a répondu : “Il n’y a aucune stratégie de défense, il y a une certitude : le câble n’a pas rompu en vol”.

Appelé à s’exprimer avant la fin de l’audience, seul Didier Quéméneur a tenu à parler aux familles de victimes : “Ce n’est pas parce que j’estime que je ne suis pas responsable de cette tragédie que j’y suis insensible. Il n’y pas une journée, une nuit, où je n’y pense pas. Malheureusement, ce procès n’a pas démontré de certitudes. Il restera des zones d’ombre. J’espère que cela vous aidera tout de même à faire votre deuil et à être un peu plus en paix.”

Après plus de deux semaines d’audience, le procès s’est clos. La cour rendra sa décision le 23 janvier.

Publié par Actu.fr - Polynésie française le 27 novembre 2019.

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