Explosion de la rue de Trévise : un an après, la « peur du gaz »

Une explosion accidentelle a fait 4 morts, dont 2 pompiers, et 66 blessés le 12 janvier 2019. Six immeubles sont toujours interdits d’accès.

C’est un anniversaire qui ravive le traumatisme des victimes. Le samedi 12 janvier 2019, une explosion provoquée par la rupture d’une canalisation de gaz souffle vitrines et immeubles devant le 6 rue de Trévise. Le drame fait quatre morts, dont deux pompiers, et 66 blessés. Un an après, sinistrés et victimes sont toujours engagés dans un lent et délicat processus de reconstruction psychologique, décrivant « angoisses » et « peur du gaz ».

Six immeubles sont toujours interdits d’accès et une centaine de personnes vivent hors de chez elles, selon la mairie du 9e arrondissement. Amor Ben Taziri, alors employé à l’hôtel d’en face, a perdu l’usage d’un œil et du bras gauche. « J’essaie de me distancier le plus possible de l’anniversaire, de ne pas y penser », dit-il à l’Agence France-Presse.

« On revit la souffrance de ces premiers jours »
« C’est dur, très dur. Ça nous replonge dans l’état d’esprit dans lequel on était à l’époque », confie Claire Sallavuard, qui habitait au 6 rue de Trévise. Tout comme Imène Boulima-Moyroud, qui abonde : « C’est tellement proche qu’on arrive à se souvenir exactement de ce qu’on faisait il y a un an pile : j’avais commandé ci, fait ça. Alors qu’en d’autres circonstances on ne sait rien de ce qu’on faisait un an avant. »

Les images d’après l’explosion se superposent. La nécessité de s’extraire de sa chambre dévastée et, le lendemain, « devoir aller acheter des culottes aux enfants, pyjama, manteau, de quoi les habiller pour l’école, leurs affaires de classe, etc. ». De se retrouver d’un coup « sans rien ; on revit la souffrance de ces premiers jours », poursuit Imène Boulima-Moyroud.

Ces souvenirs de l’immédiate après-catastrophe ont longtemps été enfouis dans la mémoire des sinistrés, dans un processus post-traumatique fréquent. « Au départ, on est tellement dans le déni, en lévitation, qu’on ne se rend pas compte. Et puis, quand je me suis retrouvée, perdue, à devoir consulter le GPS pour rentrer chez moi alors que j’étais à cinq minutes… Là, je me suis dit : “Ça ne va pas du tout, il faut que tu te fasses prendre en main par des psys.” Alors qu’au début on se dit : “C’est bon, je suis vivante, je n’ai pas de grosses blessures, donc ça va.” En fait, non », raconte Vanessa Mallet, qui habitait elle aussi au numéro 6.

« Une poudrière »
Le travail de reconstruction psychologique est jalonné de hauts et de bas. « À certains moments, on est plein d’énergie, à d’autres, épuisé et démoralisé. Ou très irritable. On a des comportements anormaux », souligne Claire Sallavuard. Elle est parvenue à surpasser son angoisse des bouches de gaz : « Avant, j’en voyais partout et je les contournais, aujourd’hui, je les piétine. »

Ce n’est pas le cas d’Amor Ben Taziri : « plus jamais tranquille dans la rue », il a « peur » dès qu’il sent du gaz et a, depuis, quitté son appartement chauffé à cette énergie. Ni de Vanessa Mallet qui, quand elle marche dans la rue, se dit qu’elle vit « sur une poudrière ». Cette angoisse se double, pour elle, de celle de la longueur de la procédure.

« Personne n’arrive à se reconstruire »
Un rapport d’expertise provisoire, rendu public le 30 décembre, a pointé des « manquements » de la Ville de Paris et d’une entreprise de travaux publics qu’elle avait mandatée, mais tout démarrage des travaux est suspendu à la poursuite des expertises. « On n’aurait jamais pensé qu’un an après on n’aurait pas récupéré toutes nos affaires. On se dit : “On ne va jamais s’en sortir.” Ça paraît un chemin de croix », témoigne Vanessa Mallet. Il devrait durer encore quelques années, sans qu’aucun calendrier de reconstruction fiable ne puisse être avancé.

Dounia Bencherat, mère d’Inès, grièvement blessée dans l’explosion, a également « hâte que ça avance ». « Personne n’arrive à se reconstruire. Ce n’est pas comme un attentat où on vous dit : “C’est lui le responsable.” Vous savez contre qui diriger votre colère. Là, on a l’impression que ceux susceptibles d’être mis en cause se refilent la patate chaude », estime-t-elle. Pour elle et sa fille, comme pour les autres victimes et sinistrés, le lent travail de reconstruction est en partie suspendu à l’avancée de la procédure judiciaire.

Publié par Le Point (source : AFP), le 12 janvier 2020.

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