Le père d’un enfant blessé dans l’accident de Millas : « La panique m’envahit encore »

Il y a un an, Gauthier, 15 ans, a été très grièvement blessé à Millas dans la collision entre un TER et un car scolaire qui a causé la mort de six enfants du village de Saint-Féliu-d’Avall (Pyrénées-Orientales).

Ils marcheront en cortège ce vendredi depuis le collège de Millas (Pyrénées-Orientales) jusqu’au lieu de l’accident. Jusqu’à ce passage à niveau n° 25 où le car scolaire qui transportait 23 adolescents de Saint-Féliu-d’Avall a été percuté violemment par un TER il y a un an. Le drame s’est déroulé le 14 décembre 2017 à 16h06, sur leur trajet retour. Six enfants ont trouvé la mort. Les dix-sept autres, parfois grièvement blessés, ont survécu, marqués à vie. A la mémoire de Loïc, Teddy, Yonas, Diogo, 11 ans, Allan, 12 ans, et Ophélia, 14 ans, à l’heure de la collision, une minute de silence sera observée.

Dans cette petite commune où chacun se connaît, le choc a été collectif. Le deuil n’est pas encore achevé. « Depuis quelques jours, le village s’est un peu refermé sur lui-même. L’approche de cette date a ravivé les souvenirs », constate le maire Roger Garrido. Il l’admet : « On n’aura plus jamais les Noël d’avant. » Les illuminations des fêtes de fin d’année n’ont d’ailleurs pas encore été installées. « On a décidé d’attendre lundi », explique-t-il.

Après la journée des commémorations, un arbre de Noël des enfants, le week-end prochain, et un marché de Noël, les 20 et 21 décembre, seront toutefois organisés. « Il faut relancer le village », considère l’édile.

« Nous, familles, nous aurons toujours des doutes »
Alain Atge préside « Millas 14 décembre 2017 », l’une des deux associations des familles des victimes créées après le tragique accident. Il est aussi le père de l’un des enfants blessés. Son fils Gauthier, alors âgé de 14 ans, très grièvement atteint au cerveau, a été hospitalisé deux mois en réanimation. Il a survécu, s’est rétabli, et a même passé son brevet des collèges avec succès… A quelques heures des commémorations, il témoigne.

Comment va votre fils ?

Alain Atge. Il va bien. Il a passé la matinée au lycée (NDLR : il est en seconde) pour aménager son emploi du temps. Il a décidé de participer aux cérémonies cette année mais il nous a déjà prévenus que l’an prochain, ce sera non. Il veut tourner la page. A part la fatigue et les cicatrices, il s’est remis de ses blessures. Ses cheveux ont repoussé, il peut regarder son visage dans une glace sans penser à l’accident. Il souffrait d’une légère hémiplégie droite qui s’est estompée. Les médecins ont été si surpris de la façon dont il s’était rétabli que son cas a été mis dans une base de données européenne. Après ses deux mois en réanimation et d’autres séjours de soins, il a pu finir sa 3e. Il a eu son brevet des collèges avec mention assez bien !

Parle-t-il de ce qui s’est passé ?

Non, il n’en parle pas. Parfois il pose une question précise et réfléchie, qu’il a dû mûrir pendant un moment… Le fait d’avoir quitté l’univers du collège l’aide. Les enfants décédés étaient plus jeunes que lui mais il connaît leurs frères et sœurs. Nous, ses parents, nous respectons sa volonté de passer à autre chose. Gauthier n’a aucun souvenir de l’accident. Il est surtout attristé par le sort des autres et marqué par ce qu’il a subi à l’hôpital. Mais il lui manque un mois de souvenir et ça l’aide beaucoup. Meubler ce temps oublié a été l’une de ses premières préoccupations : il a voulu savoir comment il était habillé ce jour-là, il m’a demandé de l’accompagner sur les lieux, il a voulu voir des images de l’accident… Qu’il mette des images sur ce qui lui est arrivé est bien, mais il est mieux qu’il ne se souvienne pas.

A l’hôpital, quand avez-vous repris espoir ?

Gauthier est arrivé conscient à l’hôpital. Il a répondu à son prénom, serré des mains… Puis après un scanner du cerveau, il a été orienté direct au bloc opératoire : il avait plusieurs hématomes. Il a fallu découper l’os du crâne pour laisser le cerveau gonfler… Nous étions pendus à un écran, dans une panique qui m’envahit encore maintenant… Le médecin n’explique pas comment il est encore là, comment il s’est réveillé sans séquelles (NDLR : il souffrait également de multiples fractures). Le 25 décembre au soir, il a commencé à bouger. Il s’est réveillé petit à petit. Mais il n’est revenu vraiment parmi nous que le 4 janvier.

Un an après, comment vivez-vous cette période ?

Beaucoup d’émotion revient… La première nuit vécue, notamment, qui a été dramatique dans l’organisation pour les parents. L’attente… Le fait de laisser des parents partir seuls sur la route jusqu’à l’hôpital de Montpellier (NDLR : les parents d’une des victimes, Ophélia)… L’association Millas 14 décembre 2017 entend notamment se battre pour que la prise en charge des familles change. Nous avons été très soutenus, dans la longueur, par le travail formidable de la Fenvac (Fédération nationale des victimes d’attentats et accidents collectifs).

Côté enquête judiciaire, quelle est votre attente ?

La réunion des familles organisée par la juge d’instruction (à Marseille) mi-novembre m’a satisfait. Beaucoup d’investigations vont encore être effectuées. A mes yeux, la question la plus capitale est celle du traitement médical que prenait la conductrice du bus(NDLR : des expertises sur ce point sont attendues début 2019). Après, quelle que soit la vérité judiciaire, nous, familles, nous aurons toujours des doutes. Mais il nous faudra l’accepter pour parvenir à une résilience et pour avancer dans la vie.


Source : Le Parisien
Auteur : pascale Egré
Date : 14/12/2018

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