EXPLOSION RUE DE TREVISE I LA VILLE DE PARIS PLUS QUE JAMAIS SUR LA SELLETTE POUR L’EXPLOSION DE LA RUE DE TREVISE

Les juges sont sur le point de boucler leur instruction. Ils ciblent la Ville de Paris et le syndic, tandis que GRDF est mis hors de cause.
Par Denis Cosnard
Publié sur le site Le Monde le 25 novembre 2021

Près de trois ans après l’explosion de gaz dévastatrice survenue dans la capitale rue de Trévise (9e arrondissement), le 12 janvier 2019 – un des plus graves accidents de ce type jamais survenus dans la capitale, avec 4 morts, 66 blessés et des centaines de sinistrés – les magistrats du tribunal judiciaire de Paris chargés de l’affaire sont sur le point de boucler leur instruction. C’est ce qu’ils ont annoncé, mercredi 24 novembre, aux parties civiles réunies pour une journée au palais de justice de Paris. Les différentes parties disposent encore d’une quinzaine de jours pour demander des actes supplémentaires, puis le dossier sera, en principe, transmis au procureur afin qu’il établisse ses réquisitions.

A ce stade, la conviction des magistrats paraît établie. S’appuyant sur les différents rapports des experts, dont le dernier a été versé au dossier en début de semaine, deux responsables de la catastrophe sont clairement désignés : la Ville de Paris et le syndic de copropriété de l’immeuble situé au 6, rue de Trévise, celui où la déflagration s’est produite. Mis en examen en septembre 2020 notamment pour « homicides et blessures involontaires », la Ville et le syndic devraient logiquement être renvoyés devant le tribunal correctionnel. La responsabilité du distributeur de gaz GRDF, filiale d’Engie, est, elle, écartée pour le moment. De même que celle de l’entreprise de travaux Fayolle, placée sous le statut intermédiaire de témoin assisté.
« L’étau se resserre sur la Ville et le syndic », confirment plusieurs participants à la réunion de mercredi. La Ville de Paris, cependant, rejette avec véhémence les accusations et entend se défendre. « Les juges reprennent les conclusions des experts, que nous contestons fondamentalement », explique Sabrina Goldman, avocate de la Mairie. La première demande de contre-expertise ayant été refusée, la Ville a fait appel, et espère que la chambre de l’instruction acceptera, d’ici à quelques mois, qu’un nouveau groupe d’experts examine le dossier. D’autant que les expertises réalisées dans le cadre civil, et non pénal, aboutissent à des résultats différents. Le syndic a, de son côté, déposé une requête pour faire annuler l’expertise pénale.

Une fuite d’eau à l’origine du drame
Selon le scénario retenu par les experts et les magistrats instructeurs, l’origine première de l’accident est à rechercher dans une fuite d’eau. Le collecteur d’eaux usées situé au sous-sol du 6, rue de Trévise a fui durant deux ans, de 2015 à 2017, et la copropriété a tardé à réagir. Quand elle a enfin fait procéder à la réparation, tous les mètres cubes d’eau déversés avaient transformé le sol, « décompacté » le terrain, et entraîné un affaissement du trottoir situé devant l’immeuble, sur le domaine public. C’est alors que la Ville est intervenue. A cinq reprises, ses agents ont réparé le trottoir, sans comprendre la cause profonde de ce désordre ni le résoudre définitivement. Or, selon les experts, l’affaissement du trottoir a mis à mal la canalisation de gaz qui se trouvait là. Elle a fini par se rompre le 12 janvier 2019, environ deux heures avant qu’une étincelle quelconque ne provoque l’explosion, et ne ravage tout un quartier. Il était 8 h 59.
Dans cette chaîne de faits, le syndic de la copropriété est mis en cause pour son défaut de réactivité face à la fuite d’eau, et la Ville de Paris, pour avoir remis le trottoir à l’horizontale sans avoir recherché les raisons de l’affaissement, ni agi en conséquence. GRDF, de son côté, n’est plus sur la sellette, ni Fayolle. L’entreprise qui avait assuré la dernière réparation du trottoir a expliqué qu’elle avait été mandatée par la Ville pour effectuer les travaux, et non pour chercher les causes du problème.
Le récit élaboré par les experts et les juges demeure toutefois soumis à discussion. « On réécrit l’histoire a posteriori, de façon erronée, cingle Me Goldman, l’avocate de la Ville. Nous contestons l’idée selon laquelle la fuite d’eau aurait provoqué l’affaissement du trottoir. Le lien entre cet affaissement et l’explosion de la canalisation n’a rien d’évident non plus. En outre, nous remettons en cause la faute supposée de la Ville : dans l’affaissement du trottoir, aucun signe ne faisait soupçonner un problème plus grave. Donc il n’y a pas eu de défaut de vigilance, contrairement à ce qui est dit. »

De leur côté, certains employés de l’hôtel de la rue assurent avoir senti une odeur de gaz plusieurs jours avant l’accident, ce qui pourrait signifier que la canalisation ne s’est pas fissurée deux heures seulement avant l’explosion, comme le veut la version des experts. Le procès, quand il aura lieu, aura pour vocation d’établir une vérité officielle.

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