PROCÈS EN APPEL DE L’ATTAQUE AU MARTEAU DEVANT NOTRE DAME I UNE PEINE ALOURDIE FACE À UN ACCUSÉ QUI A FAIT DE NOUVEAU ALLEGEANCE A L’EI ET A REFUSE D’ETRE DEFENDU

Ce jeudi 18 novembre 2021 s’ouvrait le procès en appel de l’accusé qui avait attaqué au marteau trois policiers patrouillant sur le parvis de la cathédrale Notre Dame de Paris le 6 juin 2017.

Alors que l’audience commence et que le Président demande à l’accusé, Farid Ikken, de décliner son identité, celui-ci répond lorsqu’il est interrogé sur sa profession, qu’il était journaliste mais qu’il a délaissé son travail pour rejoindre les rangs de l’Etat islamique.
Farid Ikken précise ensuite qu’il ne souhaite pas que ses avocats interviennent pendant le procès prévu sur deux jours.

Après lecture par le Président du rapport résumant les faits reprochés dans l’ordonnance de mise en accusation, le premier témoin vient s’exprimer. Il s’agit d’un des experts psychiatres qui a procédé à l’examen de F. Ikken le 13 juillet 2017.

L’expert explique qu’il a constaté un homme à la pensée logique, quelqu’un qui reconnaît avoir frappé les forces de l’ordre avec un marteau mais qui justifie son acte par le souhait de vouloir attirer l’attention de l’opinion publique sur ce qui se passe en Syrie. Le médecin conclut en disant qu’il n’y a pas de lien psychiatrique avec les faits et que Farid Ikken est accessible à une sanction pénale.

Le Président souligne par ailleurs que l’accusé ne voit personne en détention et a refusé toutes les visites même celles de sa famille, s’interrogeant sur l’impact que cela peut avoir sur son évolution. L’expert répond qu’il n’a pas constaté pour autant de phénomène de repli chez l’accusé.

La deuxième experte psychiatre vient à son tour témoigner. Elle décrit Farid Ikken comme quelqu’un capable d’argumenter de façon intelligente, qui a un niveau intellectuel certain, de par notamment sa maîtrise des langues et la longueur de ses études. Elle explique que la production de son geste ne rentre pas dans un délire mais dans une construction intellectuelle et qu’il n’a pas de pathologie particulière.

Ce sont les deux policiers qui étaient en charge de l’enquête qui viennent ensuite s’exprimer. La vidéo de l’attaque est alors diffusée dans la salle, on y aperçoit de nombreux touristes sur le parvis et le groupe de trois policiers renseignant l’un d’entre eux lorsqu’un individu surgit par derrière, brandissant un marteau. On constate un mouvement de panique sur les images et les premiers gestes réflexes de la patrouille attaquée, tandis que l’un d’entre eux est au sol après avoir été touché.
L’enquêtrice vient préciser que Farid Ikken a durci sa pratique de l’islam dix mois avant les faits, qu’il est pour la charia et le Khalifa, que pour lui l’EI est positif, et qu’il se qualifie de résistant.
L’enquêtrice qui a également interrogé ses proches rapporte que tous étaient très choqués d’apprendre que Farid Ikken ait pu commettre de tels actes, décrivant un homme gentil et normal. Sa famille pense que cela relève d’un problème psychiatrique.

C’est ensuite le policier partie civile qui a été frappé à la tête qui vient s’exprimer. Il explique que son rôle était de sécuriser le parvis, protéger les touristes et que finalement, les rôles se sont inversés, il confie qu’il ne pensait pas qu’il serait un jour victime.
Il revient sur les faits expliquant qu’un touriste est venu demander un renseignement puis qu’il s’est retourné lorsqu’il a vu le visage de sa collègue qui se décomposait en criant. Alerté par celle-ci, il explique que cela lui a permis de rentrer sa tête dans les épaules et d’amortir légèrement le coup malgré la grande violence de celui-ci. Il prend "un chaos". Le témoin raconte que la principale inquiétude dans ces instants était de savoir si Farid Ikken avait une ceinture explosive, d’autant plus qu’il avait des mouvements nerveux avec ses mains. Il se demandait aussi s’il ne cherchait pas des couteaux. L’officier confie qu’il a gardé des séquelles psychologiques, que ce deuxième procès est frustrant et stressant et que la reprise a été très compliquée après l’attentat : "Une partie de moi est restée sur le parvis" dit-il. Il se souvient des mots de l’assaillant "C’est pour la Syria". La victime dit que la détermination de l’assaillant ne faisait aucun doute.

C’est ensuite une deuxième partie civile qui n’est autre que la collègue du policier blessé, également présente lors de l’attaque, qui vient témoigner.
Le Président lui demande pourquoi elle n’a pas tiré sur l’assaillant lors de l’agression. Le témoin répond qu’elle réfléchissait à l’état de légitime défense car c’est une des choses les plus importantes qu’on leur apprend à l’école de police, explique-t-elle. Elle confie que cela lui a été reproché après par sa hiérarchie, à en complexifier sa reconnaissance en tant que victime, ce qui explique sa constitution de partie civile tardive. Elle doutait de cette qualité.

Le Président la rassure en lui disant que la vidéo permet de voir que sa réaction respire le sang-froid et qu’il ne faut pas qu’elle doute de sa légitimité.

Le vendredi 19 novembre 2021 est la deuxième et dernière journée du procès en appel. La matinée commence par l’audition d’une partie civile, le dernier des trois officiers de police, celui qui a tiré sur l’accusé. Il évoque les séquelles de cette attaque sur sa vie privée et professionnelle, et les peurs qui perdurent encore parfois même après 4 ans. L’agoraphobie semble avoir disparu, lui permettant de reprendre son emploi malgré les multiples arrêts de travail, mais l’homme conserve cependant des cicatrices de cette attaque comme de l’hyper vigilance.

Vient ensuite l’interrogatoire de Farid Ikken qui commence en faisant une déclaration s’agissant de sa condamnation en première instance. Selon lui, elle était liée à ses idées politiques et religieuses, cette condamnation était : « pour une idéologie et non pas pour les faits que j’ai commis » dit-il, avant de réfuter le chef d’accusation d’ « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste ».

Lorsque le Président lui demande comment il en est venu à adhérer à l’EI, il répond en parlant de « la quête de la vérité journalistique », l’EI portant en lui « une solution géopolitique ». Il continue en définissant l’État islamique comme « un État qui a ouvert la porte à tous les musulmans persécutés dans le monde. C’est le meilleur des mondes, là où les hommes et les femmes vont vivre comme des frères. Ce n’est pas ce que les médias donnent comme image. »
Il reconnait néanmoins la « brutalité et la violence extrême » des faits qui lui sont reprochés, tout en continuant à les justifier par les bombardements en Irak et en Syrie.

S’en suivent les plaidoiries des avocats des parties civiles, avant de laisser place en début d’après-midi aux réquisitions de l’avocate générale. Tout du long, Farid Ikken refuse de leur faire face et se tourne dans le box. L’Avocate générale dit même dans ses réquisitions : « Vous ne me regardez pas mais je sais que vous m’écoutez. »

L’avocate de la FENVAC, Me Pauline RAGOT, qui défendait également l’homme qui a tiré sur l’accusé, revient sur le profil de l’accusé, qu’elle dépeint comme « un militant convaincu. » « Il refuse de condamner les autres (les autres terroristes qui ont marqué les attentats des dernières années, NDLR), c’est déjà l’apologie du terrorisme. Le docteur nous a dit que c’est un geste auquel il donnait du sens. Tant qu’il donnera du sens, il y aura un danger pour la société. »

L’avocat de l’AfVT regrette quant à lui : « J’aurais aimé que Farid Ikken n’interdise pas tout au long de l’audience à ses avocats de prendre la parole, qu’on voit votre humanité, et non pas que vous soyez une machine pré programmée. (...) Une image restera : au moment où on arrête la vidéo de l’agression, et où les pieds sont décollés du sol, cela traduit une détermination sans faille. Cette détermination est restée sans faille. »

Pour l’Avocate générale, cela ne fait aucun doute : « l’intention homicidaire est bien là. Vous visiez des policiers, n’importe lequel faisait l’affaire. La force avec laquelle vous avez frappé le crâne était une force moindre que celle que vous espériez mettre. » Elle demande à ce que Farid Ikken soit condamné à la même peine que Monsieur El Hamahmi dans l’affaire de l’attaque des militaires au Carrousel du Louvre en février 2017, soit 30 ans de réclusion criminelle, avec une peine de sûreté des 2/3.

Pour assurer sa défense, Farid Ikken reprend la parole une nouvelle fois lui-même, empêchant son avocate de parler comme il l’a fait durant tout le procès.
Il concède que l’appel formé est une façon de défendre ses frères et sœurs en Irak et en Syrie. Il réfute en revanche ce que le ministère public nomme « son échec » sur le plan universitaire : « Je ne crois pas que la communauté universitaire et scientifique soit d’accord avec vous. Ce que vous avez déclaré sur ma personnalité et ma personne, je crois que vous avez fait un portrait complètement erroné et éloigné de la réalité. » S’agissant des parties civiles présentes à l’audience, il dit espérer qu’elles retrouvent une « vie normale. (...) C’est dommage que les victimes en France des attentats ne soient pas mortes pour la France mais pour la guerre en Irak et en Syrie, pour Israël. ».

Le verdict tombe à 19h00 : Farid Ikken est condamné à 30 ans de réclusion criminelle avec une période de sûreté des 2/3, une interdiction définitive du territoire français ainsi qu’une interdiction de porter des armes de catégorie A ou B pour 15 ans. Son nom sera également inscrit au Fijait. La Cour d’assises spéciale de Paris a donc alourdi sa peine en ajoutant deux ans de prison supplémentaires par rapport à sa condamnation de 2020 où il avait écopé de 28 années de réclusion criminelle.

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