Le jeudi 29 février 2024 s’ouvrait le procès de l’attentat de Strasbourg, commis le 11 décembre 2018 par Chérif Chekatt. Cinq personnes avaient été tuées et onze personnes avaient été blessées.
L’audience se tient devant la Cour d’assises spécialement composée de Paris. La FENVAC, partie civile dans cette affaire, est présente lors des débats.
Les victimes et leurs proches attendent de ce temps judiciaire que la lumière soit faite sur l’éventuelle implication de quatre accusés : Audrey Mondjehi-Kpanhoue, Frédéric Bodein, Stéphane Bodein et Christian Hoffmann. Un cinquième accusé, Albert Bodein, âgé de 83 ans, sera jugé ultérieurement pour des raisons de santé.
Le lundi 11 mars 2024, au deuxième jour des auditions des parties civiles, c’est Mostafa Salhane chauffeur de taxi au moment des faits, pris en otage par l’assaillant, qui témoigne.
Il revient sur son parcours personnel, sa situation familiale avant de s’attarder sur le soir des faits.
Il est père de cinq enfants. Il a toujours travaillé pour subvenir aux besoins de ces derniers et les a soutenus dans tout ce qu’ils entreprenaient. Il s’agissait d’une famille très proche avant les faits mais l’attentat les a fortement impactés.
Le soir du 11 décembre 2018, Monsieur Salhane vient de terminer une course dans le centre historique de Strasbourg quand il aperçoit un homme arriver vers lui avec une masse dissimulée sous sa doudoune. Ce dernier le contraint à le transporter jusqu’au quartier du Neudorf et lui annonce qu’il vient de commettre un attentat, qu’il vient de tuer dix personnes. « Je viens de tuer dix personnes, j’ai tué des musulmans aussi et sans doute j’ai tué aussi des militaires ». « Tu vois ce qu’ils font, ils tuent nos frères, nos amis, toi t’es d’accord avec eux ? Ça se voit que tu l’es ». Il pointe son arme sur le chauffeur de taxi et lui dit « tu fais le malin, je t’allume ».
Il lui demande s’il est arabe, s’il est musulman, s’il prie et fait son ramadan. Monsieur Salhane explique qu’à ce moment-là beaucoup de pensées se bousculent dans sa tête, il est obligé d’aller dans le sens de l’assaillant et de garder son sang-froid pour ne pas mourir. En même temps, il se dit qu’il doit se débarrasser de lui. Il ne peut pas le conduire, comme le souhaite l’assaillant, au commissariat, il se dit que les policiers ne vont pas chercher à comprendre, et qu’ils seront tués tous les deux.
Ils arrivent à neuf cents mètres du commissariat quand Chérif Chekatt est subitement pris d’une douleur, liée à une blessure provoquée par un tir des forces de l’ordre lors de sa fuite du marché de Noël. Mostafa Salhane lui indique qu’il peut lui donner de quoi se soigner. Après l’avoir convaincu qu’il ne le dénoncerait pas, le chauffeur de taxi descend du véhicule, lui donne une boîte de mouchoirs et une bouteille d’eau et lui indique que c’est tout ce qu’il peut faire pour lui. À ce moment-là, il profite d’un manque d’attention de l’assaillant pour remonter dans sa voiture et prendre la fuite.
Il compose le 17 et se dirige vers le commissariat. Il raconte aux policiers tout ce qu’il vient de vivre et l’assaillant est vite identifié par les policiers comme étant Chérif Chekatt.
À ce jour, Mostafa Salhane et sa famille sont toujours impactés par cet attentat. « Je n’étais pas blessé physiquement, mais psychologiquement ». En arrêt maladie depuis cinq ans, il a l’impression que sa vie a été détruite. « Je ne travaille plus, j’ai mes enfants qui sont partis de la maison parce qu’ils n’arrivaient plus à me comprendre ».
Ce qui l’a aidé, c’est le fait de voyager, de peindre et d’écrire.
Étant par ailleurs depuis, devenu membre administrateur de la FENVAC, il a pu s’engager auprès de la Fédération pour faire perdurer la mémoire des victimes. Il a également constitué sa propre association AVA (Association Victimes Attentats) qui regroupe les victimes de l’attentat de Strasbourg.
Il espère qu’à travers le procès, sa famille et lui auront des réponses à leurs questions et pourront se reconstruire.
Le procès se poursuivra jusqu’au 5 avril 2024.
Le verdict est particulièrement attendu par les parties civiles dont la FENVAC.